Sa vie, sa pensée, ses travaux


Jean Anglès d’Auriac, philosophe des années 1920-1950

Jean Anglès d’Auriac est un philosophe des années 20-50, normalien, agrégé de philosophie et docteur es lettres, élève de Jacques Chevalier et accessoirement ami de Jean Guitton. Reconnu par ses pairs et camarades d’Ecole pour figurer parmi les plus profonds philosophes de sa génération, il reste méconnu car il décède l’année où paraît son unique ouvrage publié. Or ses travaux sont à redécouvrir. Ils s’inscrivent dans un grand projet, à poursuivre, destiné à refonder une métaphysique et construire scientifiquement une ontologie.

La place que JAA occupe parmi les philosophes de son époque est particulière à 3 titres :
• Dans les thèmes, il se consacre exclusivement à la métaphysique, loin des sujets d’actualité, « hors mode », restant dans les sujets abstraits, et réintégrant la psychologie en philosophie,
• Dans la méthode, il poursuit une démarche analytique et démonstrative, donc non déclarative, sans pour autant faire partie de la philosophie analytique ou d’un courant rationaliste matérialiste,
• Dans les doctrines, il ne fait partie d’aucune école. Il veut s’adresser à tous. Son travail est totalement personnel, avec la vocation d’être partagé et d’être repris avec des « associés ».

Donc d’aucune école, on peut toutefois le rattacher au courant spiritualiste qui professe le contraire de la subordination de l’homme à la matière. Il écrit ainsi : « En nous, en face du corps étendu existe un moi pur, qui domine le temps par sa conscience et sa mémoire, possède une liberté fondamentale, et n’a besoin d’aucune condition préexistante, d’ordre matériel, pour être. La dissolution du corps, ainsi même que l’anéantissement de l’univers ne sauraient donc entraîner par eux-mêmes la disparition de ce microcosme indépendant ». Donc l’esprit est indépendant de la matière et survit à elle.

Son travail de philosophe, il l’expose lors d’une conférence donnée pour un large public, le texte étant repris dans le livre qui lui est consacré : « l’objet des études philosophiques est d’atteindre le réel, dans sa nature, ses fondements, en nous et hors de nous ». Il nous invite à rendre notre connaissance claire et distincte en partant de données qui s’appliquent aux choses mais également au sujet lui-même. En utilisant ses « facultés les plus hautes » y compris dans la réflexion psychologique et l’intuition morale, le philosophe doit les analyser dans leur nature, leur genre d’existence et leur causalité. C’est ainsi que la méthode suivie et appliquée à cette science des données l’autorise à traiter des problèmes métaphysiques et doit le conduire à apporter des réponses aux questions ontologiques.

Car son ambition est d’aboutir à un Essai de Philosophie générale traitant des trois questions classiques de l’ontologie : celle du Moi, celle des choses extérieures et celle de Dieu. Pour cela il lui fallait s’assurer d’un bon régime de l’esprit. C’est l’objet du travail de sa thèse.
Sa thèse principale s’intitule « La recherche de la vérité, sa genèse idéale, son fondement », la deuxième partie du titre montrant qu’il va fonder et justifier la recherche de la vérité. Sa thèse secondaire « En quête d’un meilleur régime de l’esprit » s’applique à mieux définir le projet et à en vérifier la bonté.
La vérité ne saurait découler d’impressions, d’apparences, de convictions incertaines, d’opinion, c’est par le bon sens ou par une connaissance, qui est une connaissance réfléchie, destinée à devenir croyance qu’on doit y arriver. (Opposition avec le mouvement croyance->connaissance). Jean Anglès d’Auriac développe en métaphysicien une théorie de la connaissance, prenant en compte les aspects subjectifs du psychisme. Ainsi dit-il :

Sur la croyance :

  • La croyance ne se réduit pas une connaissance : elle engage le sujet au point que, dit-il, « l’objet de connaissance et de croyance commence déjà à le grandir ».
  • Elle doit émaner de l’esprit en tant qu’il pense en dernier ressort : la partie hégémonique de l’esprit, désignant pour lui le meilleur et le fond de l’esprit.
  • Cette croyance de l’homme, contrairement aux Vérités à qui il suffit d’être, ne devient bonne que si elle est vraie et digne de l’homme. Donc la croyance l’emporte sur le Vrai, mais, ajoute-t-il : « encore faut-il que j’introduise le Vrai dans ma vie et l’assimile ».
  • De là enfin résulte que « nous sommes moralement responsables de nos croyances et de nos doutes, dans la mesure où nous en sommes maîtres et ne l’ignorons pas par notre faute ». Descartes et Malebranche pensaient de même.

Sur la recherche de la Vérité :

  • La découverte du Vrai doit être subjective, cad intérieure et sensible à son sujet : L’homme en tant qu’il donne son assentiment, entre en relation de sujet avec elle.
  • S’il est traditionnel de faire du Vrai une fin, en réalité le Vrai ne peut être qu’un moyen : c’est le Vrai qui est au service de la croyance, dans la mesure où elle est pour l’homme un bien.

Sur la bonté, la place du bien, la question morale du bien agir :

  • La Bonté dans la définition qu’il donne en tant que métaphysicien, est la propriété, pour un objet quelconque regardé dans son essence, d’appeler idéalement l’existence. C’est la valeur suprême qui doit caractériser toute action.
  • « En tant qu’homme on doit rendre aussi parfaite et aussi totale que possible la coïncidence de notre volonté avec la mention de l’Absolu en nous, puisque ce bon usage de notre libre arbitre fait seul notre vraie grandeur. ».
  • « Nous n’avons l’obligation de chercher la vérité que parce qu’il nous faut la connaître pour bien agir personnellement et nous donner à nous-même la perfection dont nous sommes capables et dignes d’être dotés ».

Sa thèse est disponible sur internet (voir dans liens et contacts).   

Le site publiera régulièrement, au moyen d’articles, quelques unes de ses notes de cours ou de travaux, et vous êtes donc invités à vous abonner au site. Il est également possible de récupérer auprès de l’auteur du livre cité des documents numérisés (fiches ou correspondances) qui sont aussi disponibles aux Archives Nationales. Les lecteurs désirant poursuivre le projet philosophique de Jean Anglès d’Auriac peuvent se faire connaître et publier des articles.

Le livre dont l’image est présentée ci-dessous, paru aux éditions Boleine, expose à travers sa vie et ses correspondances, la genèse de sa pensée dans une époque riche d’un grand foisonnement intellectuel. Il introduit à la lecture de sa thèse.